Aller au contenu

Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Wallers, en bon papa, voulut conduire sa fille dans le monde. Le monde, à Pont-sur-Deule, n’a rien qui puisse enivrer les sens et troubler le cerveau d’une enfant dévote. Marie connut les sauteries, les charades, les concerts et les ventes de charité. Les mères qui avaient de grands garçons furent bien aimables pour elle et en particulier madame Laubespin. Marie ne croyait pas être un beau parti, mais madame Laubespin était bien renseignée. Cette dame possédait un fils, interne des hôpitaux à Paris, bientôt docteur en médecine… Il venait souvent à Pont-sur-Deule. On lui fit voir Marie… Il la trouva jeunette et maigrelette, très peu femme, et du même sexe que les anges, avec son long corps fragile, étroit, comme élancé pour le vol. Blonde entre les blondes, elle éblouissait par l’éclat d’une chevelure soyeuse, gonflée, évaporée en nuage d’or ; le bleu de ses yeux était pur, sans nuances vertes ou grises, et sa peau, trop fine, nacrée autour des paupières, avait la fraîcheur de ces roses à peine roses où semble courir un sang vermeil dans une pulpe argentée. C’était la beauté du Nord, la beauté suave des très jeunes filles anglaises, fleur des climats humides, si tendre qu’elle se flétrit et se couperose vite sous l’action de l’air et du soleil.

André Laubespin qui aimait les beautés plan-