Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/297

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et à la mélancolie lascive. Il abusait du sentiment, des larmes, des soupirs, et la positive Isabelle trouvait que la légende a bien dénaturé l’amour napolitain et la gaieté napolitaine.

Elle était beaucoup moins élégiaque, et sa sensualité bien portante et peu raffinée, s’attablait au plaisir comme à un banquet de kermesse.

Il boudait, tourné contre le mur. Elle lui tira les cheveux et lui murmura dans l’oreille :

— Eh bien, oui, je te jure de garder notre secret. Es-tu content !… Veux-tu que je m’en aille ?

Non, il ne voulait plus la chasser… La bougie qui coulait sur le flambeau de cuivre sans bobèche, posé à même le dallage, oscillait dans le courant d’air de la porte. Des traces d’or broché brillaient sur la tenture cramoisie ; les rameaux du figuier sauvage tremblaient contre la fenêtre, et les deux amants réconciliés balbutiaient ces paroles que tous les amants répètent depuis des siècles, en faisant les gestes éternels : paroles puériles et hardies, charmantes et niaises, qu’Isabelle et Angelo prononçaient, chacun dans sa langue, parce qu’à cette minute précise Angelo avait oublié le français et Isabelle l’italien.