Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/311

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la douceur fugitive… Elle songeait : « S’il était là, maintenant ! Si nous étions seuls !… » L’ombre autour d’elle s’imprégnait de volupté diffuse ; le parfum des orangers était si intense qu’il semblait changer la couleur de l’air. Des étoiles pleuvaient sur le golfe. Et des voix aériennes, éparses, plus légères que les vibrations sidérales, venaient du fond de la nuit, du fond des temps, quand la brise soufflait du sud où sont les îlots des sirènes…

Chacun regagnait sa chambre… Marie, déshabillée, faisait sa prière, à genoux sur le carreau ; elle demandait à Dieu la force de faire son devoir, et surtout la grâce de le connaître… L’insoluble problème la sollicitait… Couchée, elle ne dormait pas. Une fièvre brûlait ses veines… Elle essayait de lire. Son esprit s’évaguait toujours. Alors, elle se mettait à la fenêtre ; elle appuyait au fer du balconnet ses paumes et sa joue brûlantes… Ses larmes coulaient. Elle appelait : « Claude !… mon cher amour, mon seul amour !… »

Au bout du jardin, la porte entr’ouverte de l’atelier, irradiait une lueur rougeâtre qui s’éteignait tout à coup.