Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/326

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Isabelle est si bouleversée qu’elle ne trouve pas de réplique. Elle s’affaisse contre un fauteuil, sur le tapis, et son émotion dégénère en crise nerveuse. Elle soupire et pleure à gros sanglots comme une petite fille.

— Ô Marie, que tu es dure, que tu es impitoyable !… Je comprends ton indignation, et toi, tu ne comprends pas ma peine… Tu me regarderas toujours comme une vilaine femme, et tu ne penseras jamais que j’ai peut-être des excuses…

— Des excuses, toi ? Une chrétienne, une mère !…

Isabelle soulève sa tête et, toujours pleurante, écarte de ses joues ses cheveux mouillés. Elle murmure :

— Ne mêle pas les enfants à cette histoire… Je suis une mère, mais je suis aussi une femme, et ça n’a aucun rapport, l’amour maternel et l’autre amour… Tu sais très bien que j’étais malheureuse, entre mon mari et ma belle-mère, et que tout, dans ma maison, m’était devenu antipathique… Toi-même tu trouvais Frédéric vaniteux et sec… Et tu n’avais pas la naïveté de croire que je l’aimais ?

La colère, tout à coup, fouette son âme humiliée. Elle se redresse :

— Je déteste Frédéric, je le déteste ! Je suis là,