Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/46

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sur le tapis, mais la fenêtre est pleine de nuit bleue. Un Esprit voilé, triste et souriant, le Crépuscule qui a le visage du Souvenir, est entré dans la chambre. Son geste invisible amollit les volontés, rapproche les âmes…

« Marie ! ne m’abandonnez pas ! Ne me livrez pas aux tentations du désespoir… Je suis un homme, et le meilleur de nous ne vaut pas grand’chose… Apprenez-moi à vous chérir comme vous voulez être chérie, dans le sacrifice et la pureté… J’essaierai, Marie, quoique un tel amour me soit difficile… Faites ce miracle de me rendre pareil à vous ! Mais ne me quittez pas, ne partez pas, bien-aimée ! »

Elle ne bouge pas, comme endormie, quoique ses yeux fixes brillent dans l’ombre… Et soudain, elle se lève, va vers la table, cherche et tâtonne… La clarté brutale d’une lampe jaillit.

— Non, Claude ! Épargnez-nous… Je souffre de vous faire souffrir… mais il faut que je parte… Ma décision est prise… N’insistez pas… Et puis, descendez… Mon père est revenu, je pense… On vous attend… Je dois m’habiller…

— C’est bien. J’ai compris…

— Claude !

— Je vous ai trop importunée. Pardon ! Je me retire…