Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/55

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Tunisie et l’Argentine… Mon père était l’aîné de douze enfants.

— Je plains madame votre grand’mère, dit Isabelle, entre ses dents.

— J’ai eu trois frères et une sœur qui sont morts en bas âge. Il ne reste que Salvatore et moi.

M. Meurisse demanda qui était Salvatore.

— Mon frère… un sculpteur… un génie !

— Vraiment ?

— Oui, un génie ! répéta Angelo, avec emphase. Il a étudié avec notre illustre Gemito qui est fou… Mon frère, seul, pouvait l’intéresser à quelque chose de la sculpture… Dio mio !… cette folie, quel malheur !…

M. Wallers rappela que Gemito était un grand artiste, le plus original des sculpteurs italiens, et le plus sincère. Ses figurines, d’après les types populaires de Naples, ont leurs ancêtres directs dans les petits bronzes de Pompéi.

— Salvatore n’imite pas Gemito, mais il s’inspire des mêmes traditions, dit Angelo… C’est une grande misère pour nous qu’il n’ait pas de santé… Mais c’est un génie !… Et un cœur !… Il m’aime !… C’est terrible comme il m’aime !… Je suis son enfant…

— Vous demeurez ensemble ? dit madame Wallers, émue par cette explosion d’amour fraternel.