Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/71

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— Tu suivras mes conseils ?

— Oui. Dès demain, je vérifierai le livre de la cuisinière, je promènerai les enfants, je tricoterai des gilets pour les pauvres, et je jouerai des valses, le soir, après dîner, pour distraire madame Van Coppenolle et son fils… Après ça, si je ne suis pas heureuse, c’est que votre recette ne convient pas à mon tempérament.

— Tu seras heureuse, dit avec candeur madame Wallers.

Placide et reposée, le menton gras bien au chaud dans les brides de sa capote, elle vanta la félicité des ménages unis, loua son vieil époux qu’elle adorait, et s’attrista en parlant de sa fille.

— Vois, Belle, notre pauvre Marie !… Sa vie est brisée… Et pourtant elle a eu de la patience. Elle a pardonné une fois… Si elle avait été mère, elle aurait pardonné toujours, même en sacrifiant sa fierté de femme… Tu n’as pas connu ces humiliations. Frédéric est incapable de te tromper…

Isabelle eut un sourire aigu.

— Incapable, certainement !

Claude l’appelait. Elle embrassa madame Wallers et remonta dans le wagon. La portière fermée, elle baissa la glace et pencha au dehors son buste serré dans une jaquette de loutre, sa