Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/90

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lisant un rêve ancien, elle étudia les mystiques et les imita par sa ferveur, par ses austérités, par son goût de la plus haute théologie. Et ses directeurs virent renaître en elle l’âme des grandes abbesses du Moyen âge. On prétendit même qu’elle était favorisée de Dieu, qu’elle avait des visions et des extases et qu’elle les racontait en des poèmes mystérieux dont l’ardeur éclatante et sombre rappelait Catherine Emmerich. Mais elle cachait à tous ces œuvres connues seulement de quelques prêtres et qu’on publierait sans doute lorsque madame Vervins dormirait dans le cimetière du Béguinage.

Elle était très âgée, maintenant, et personne n’était admis près d’elle, sauf les Wallers, ses vieux amis, et Claude, fils de sa filleule qu’elle avait beaucoup aimée.

Sœur Joanna, la béguine qui soignait madame Vervins, ouvrit le judas de la porte verte, et, reconnaissant Marie et Claude, les fit entrer dans le jardinet.

— Sœur Joanna, je repars tout à l’heure. Puis-je saluer madame Vervins ?

La béguine secoua sa tête grosse et rougeaude que la coiffe ennoblissait. Et elle expliqua que la chère sainte était tombée en faiblesse, dimanche dernier, qu’elle ne prenait plus de nourriture et que son âme, tirant sur les liens corporels, s’était