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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/154

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— J’espère que mon devoir serait plus fort que ma passion, répondit Augustin.

Elle eut un regard plus éloquent que toutes les paroles.

— Vous ignorez la force de l’amour. Vous n’avez aimé que des chimères… Allez, vous êtes un enfant !

— Quoi ! dit-il, vous me croyez incapable d’amour, vous !

Il y avait dans sa voix de l’étonnement, de la tristesse, un reproche infiniment tendre.

— À la vérité, reprit-il, les poètes de la débauche n’ont pas instruit mon adolescence, et ce mot : « l’amour », représente pour moi quelque chose de grave et de sacré ! Je ne l’ai jamais prononcé devant aucune femme. Je ne l’ai jamais confondu avec le grossier désir, appel de la chair à la chair. Jamais…

La confidence hésita sur ses lèvres.

— À dix-neuf ans, j’aperçus, tout à fait par hasard, la poitrine nue d’une fille, et je vous jure que l’idée de l’amour ne mêla point au trouble involontaire que j’éprouvai… Et même cette première rencontre avec la femme m’inspira je ne sais quelle terreur, je ne sais quelle répugnance… Je ne vis que l’occasion du péché !

— C’est singulier, dit Fanny. Si vous m’aviez parlé ainsi quelques semaines plus tôt, j’aurais trouvé votre sentiment monstrueux et contre nature… Mais, aujourd’hui, je crois vous comprendre : vous regardez la beauté, l’art, l’amour, la vie avec vos yeux de chrétien.

— Et je ne puis aimer qu’avec mon âme chrétienne… Fanny ! (Il osait prononcer tout haut, ce