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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/159

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Ses yeux se voilèrent. Augustin comprit qu’elle demeurait, malgré leurs confidences, une créature mystérieuse. Depuis qu’ils erraient à travers bois, il n’avait voulu parler que d’elle seule, tant il souhaitait la bien connaître. Mais, dès ce premier dialogue d’amants, il s’apercevait combien leur situation était bizarre et délicate… La jeune femme meurtrie par la vie et les passions, n’était-elle pas l’aînée, l’initiatrice, même quand elle se faisait petite pour dire : « Instruisez-moi, dirigez-moi ! » Déjà, elle avait prononcé des mots étranges ; elle avait fait allusion aux avilissantes tristesses de son mariage, aux influences corruptrices qu’elle aurait subies, peut-être, si elle n’avait pas rencontré Augustin… Le jeune homme n’osait arrêter sa pensée sur l’énigme qu’il devinait très douloureuse, et un peu humiliante pour son amie ; et il ne retenait rien encore de ces demi-confidences, sinon que Fanny avait beaucoup souffert. Elle jouissait de cette confiance, de cette simplicité exquise d’Augustin : elle se penchait sur cette âme comme sur un lac très pur, profond, paisible, où elle ne voyait que son image mêlée au reflet du ciel.

— Fanny, que craignez-vous, ne vous ai-je pas rassurée ? Ne pensez pas à des choses qui vous affligent… Dès demain, mon amie, nous verrons l’abbé Vitalis. Il a deviné notre secret ; il m’aime beaucoup, et il vous estime… Je suis certain qu’il ne refusera pas de vous donner des instructions et des conseils… Ah ! si M. Forgerus était en France !

— Vous lui écrivez souvent, à M. Forgerus ?

— Non, je l’avoue… Et lui-même, absorbé par ses travaux, adresse trop rarement, tous les quatre ou cinq