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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/193

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dans la poussière… Depuis combien de temps ? Depuis le Premier Empire, sans doute. Mon arrière-grand’mère, la Hollandaise, avait banni de sa maison les moindres souvenirs du renégat… La feuille d’ivoire est fendue. Pourtant la peinture m’a semblé jolie…

— Très jolie.

— Eh bien, puisqu’elle vous plaît, gardez-la.

— Je vous remercie, Augustin, et j’accepte avec plaisir… Oui, la peinture est jolie, fine, expressive, spirituelle… Mais… Je ne me trompe pas… cette figure vous ressemble… C’est extraordinaire… On jurerait que c’est là votre portrait.

Elle comparait le visage d’Augustin au visage plus coloré, plus arrondi, qui souriait sur l’ivoire. Les traits communs à tous les Chanteprie, le nez droit, le front haut, serré aux tempes, marquaient la parenté de l’arrière-grand-oncle et de l’arrière-petit-neveu. Le chevalier Adhémar, c’était Augustin de Chanteprie, à ce même âge de vingt-trois ans, un Augustin plus vigoureux, plus hardi, les yeux rieurs, la lèvre fine, le teint fleuri sous la poudre ; un Augustin qui ne songeait guère aux choses de l’autre monde…

— Il nous regarde, dit Fanny, il nous regarde avec complaisance… Me prendrait-il pour une nièce de Rosalba-Rosalinde !

— Erreur outrageante pour vous, Fanny, et pour moi… Oh ! le vent souffle en tempête. Je vais chercher une lanterne et la clef du jardin.

Il descendit. Madame Manolé tenait la miniature, toute petite, dans le creux de sa main. Oui, vraiment l’Homme aux pavots semblait rire… Il n’eût pas laissé partir Rosalba-Rosalinde, dans la nuit tumultueuse et