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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/196

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— Bonsoir… Qu’attendez-vous ?

Il était devenu, subitement, tout mélancolique.

— Rien… Je m’en vais. Adieu.

Il sortit. La porta de la salle basse claqua lourdement. Des gouttes de pluie cinglaient les vitres.

« Qu’ai-je donc ? pensa Fanny. On dirait que je pleure… Et l’oncle Adhémar se rit de moi… Je devrais être heureuse, pourtant : je suis aimée… Ah ! comme l’amour triomphait, ce soir ! Si j’avais voulu !… Mais, demain, quel réveil !… Il me détesterait sans doute… »

Les bougies, au ras des bobèches, crépitaient. Fanny souffla la triple lumière, et le reflet pourpre du feu ranimé dansa plus joyeusement sur les rideaux, sur la courtepointe du lit, en vieille indienne, qui représentait le tombeau de Jean-Jacques… La jeune femme enleva son corsage, puis son corset, et, les épaules nues, les seins libres dans la blancheur du linon, elle commença de natter sa chevelure.

Soudain, elle entendit des pas dans l’escalier. Quelqu’un montait, heurtait à la porte de la chambre. La voix d’Augustin appelait :

— Fanny !

— Vous !… Que faites-vous ? Qu’y a-t-il ?

— Ouvrez-moi. Je vous en conjure.

Elle releva ses cheveux, en hâte, s’enveloppa de son grand châle, et entr’ouvrit la porte.

— Qu’avez-vous, Augustin ? Vous m’avez fait peur.

Il poussa la porte, et entra dans la chambre. Il était pâle, les cheveux rabattus par le vent et tout emperlés de gouttes brillantes. Ses yeux dilatés semblaient d’un violet sombre, et Fanny reconnut son regard, —