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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/198

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— Mon pauvre enfant !

— Un enfant, dites-vous ?… Oui, j’étais un enfant lorsque je vous ai rencontrée, un enfant ingénu, chimérique, qui rêvait sa vie… Mais vos baisers, vos redoutables baisers ont éveillé l’homme qui, maintenant, crie vers vous !… Ô Fanny, qu’avez-vous fait de moi ? Pourquoi ne puis-je plus me contenter de ces miettes d’amour qui faisaient, hier, mes délices ?… Je ne me reconnais plus moi-même… Je ne sais plus, je ne peux plus vous obéir… Je reviens, et je vous implore, et je ne m’en irai plus, Fanny !

Il la suppliait sur un ton de commandement impérieux. Elle balbutia :

— Je ne vous ai jamais vu ainsi… Vous me faites peur… Je ne veux pas…

— Je t’aime ! je t’aime !…

Le tutoiement lui montait aux lèvres comme le cri significatif de son désir et de son droit. Fanny reculait dans une épouvante instinctive… Oui, certes, il lui faisait peur, avec sa face pâle, ses yeux fous, ses cheveux mouillés… Il la saisit… Elle lutta, la tête perdue, dans un réveil involontaire de prudence et de pudeur. Et ce fut, tout à coup, la trahison de sa volonté, l’évanouissement de son énergie. Augustin l’enveloppait, baisait ses cheveux dénoués, ses paupières, sa joue, sa bouche… Le châle tomba ; des mains tremblantes frôlèrent les dentelles de la chemisette, et, vaincue, les lèvres aux lèvres d’Augustin, Fanny se promit toute dans un baiser si long, si profond, qu’ils y sentaient fuir leurs âmes…

Alors, il s’écarta d’elle, pour la voir, pour la posséder d’un regard de maître, et la splendeur révélée de