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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/208

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Alors, délibérément, elle raya de sa liste Saujon, Coquardeau, Bruys et leurs pareils. Elle se proposait de les présenter à Augustin plus tard, quand le jeune homme serait mieux préparé à les comprendre. Restaient madame Robert, Rennemoulin et Barral… Fanny avait eu des velléités d’éliminer Barral… Mais, depuis quatre ans, il était « de fondation » ; il ne manquait aucune réunion, toujours prêt à obliger Fanny et les camarades de Fanny. « Il a été, il a cru être amoureux », pensait la jeune femme. « J’ai été un peu coquette… Nous sommes redevenus bons amis, sans rancune, sans arrière-pensée. Il ne m’a posé aucune question indiscrète, mais il a exprimé le désir de connaître Augustin. Cela signifie qu’il accepte le fait accompli, de bonne grâce… » Dans ces conditions, comment ne pas inviter Barral ? L’éloigner serait lui marquer une injurieuse défiance, et justifier tous ses soupçons…

Ce dîner de Noël, qui réunissait des personnages si divers, commençait le mieux du monde. Augustin s’enhardissait. Il parlait avec une dignité gracieuse qui séduisait Louise Robert. Le regard de la jeune femme, allant de M. de Chanteprie à madame Manolé, semblait dire : « Vous avez bien choisi, ma chère, il est charmant… »

Au dessert, Rennemoulin s’ « emballa ». Il gémit sur la décadence nationale : il pleura la vieille France, l’antique hiérarchie, le grand principe d’autorité. Et, poétiquement, il exprima son dégoût du siècle, et la nostalgie de la solitude qui grandissait chaque jour en son cœur.

Madame Robert l’écoutait, un peu triste, Augustin