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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/361

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— Notre Augustin !… Mon fieu !…

Elle le prenait à bras le corps, lui posait aux joues deux baisers passionnés et rudes, puis, sans le lâcher, se reculait pour le mieux voir, d’un air d’extase.

— Lui ! c’est lui !… On disait qu’il ne viendrait pas ici ; mais je savais bien, moi, qu’il ne pourrait pas oublier sa pauvre vieille.

Quand son transport fut calmé, elle fit asseoir le « fieu » près d’elle, et, lui tenant toujours les mains, elle dit :

— Vous ne voulez donc pas vous mettre curé, que vous êtes revenu à Hautfort ?

— Mais, Jacquine, je n’ai pas la vocation… Qui t’a fait croire ?…

— Dame ! On dit tant de choses, ici !… Vous avez fait causer le monde, vous savez… Et un mauvais monde !… On en a raconté des histoires !…

— Cela m’importe peu, je t’assure. Parlons de toi, ma bonne. Tu es bien ?… Tu ne t’ennuies pas trop ?

— J’ai trois cents francs de rente ; la baraque n’est pas vilaine, et mes chats me tiennent compagnie… Tout de même, quand madame Angélique m’a donné mon congé, j’ai vu trente-six chandelles ! Depuis plus de cinquante ans que j’étais chez vous… car je vais avoir soixante-dix -neuf ans tout à l’heure, sans qu’il y paraisse, mon fieu !… Elle va bien, madame Angélique ?

— Elle supporte ses maux.

— Oui, elle nous enterrera tous… Les gens qui n’aiment rien, rien ne les use… Et vous êtes tout à fait d’accord, à présent ?

— Ma mère est très bonne pour moi, trop bonne !…