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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/408

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et toujours il avait compté qu’Augustin ferait une mort édifiante, une « belle mort », dont on parlerait longtemps dans la paroisse… Cette explosion de doute et de désespoir affligeait M. Le Tourneur comme ami, et comme ecclésiastique. Il n’avait pas prévu cette scène… Il ne savait s’il devait chercher une inspiration dans l’amitié humaine ou dans la science théologique, et si des paroles affectueuses rassureraient M. de Chanteprie mieux que des arguments. Il pensa que ce n’était plus le temps de discuter, et que la pauvre âme acharnée à demander des raisons, il fallait l’enivrer d’espérance… Il encouragea Augustin, entremêlant l’exhortation de prières spontanées ; il l’assura que la tentation non consentie et patiemment supportée peut ajouter au mérite d’une âme ; que les plus grands saints ont conçu des inquiétudes sur la foi ; et que Jésus-Christ même avait supplié son Père d’éloigner le calice… Oui, la terre étonnée avait frémi d’entendre le Fils crier vers le Père : « Pourquoi m’avez-vous abandonné ?… » Et comme le curé parlait, il sentait, sur son bras, les doigts crispés resserrer leur étreinte ; les yeux désespérés, fixés sur ses yeux, suppliaient encore : « Aidez-moi ! » Les dernières larmes, les plus amères qu’Augustin eût pleurées en ce monde, glissaient, si lourdes, si lentes, sur la face de l’agonisant…

La confession achevée, M. de Chanteprie essaya de balbutier l’acte de contrition, et le prêtre leva les mains pour le bénir et l’absoudre. Puis il l’engagea à se recueillir, à s’abandonner aux bras de Dieu comme un enfant coupable et pardonné aux bras d’un bon père. « Vous allez recevoir le saint viatique… »