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LA MAISON DU PÉCHÉ

Au fond, au chevet de l’église, l’arbre de Jessé, montant du flanc d’Abraham endormi, étendait ses branches chargées de patriarches et de rois ; et sur les côtés, les légendes de la Bible, les paraboles de l’Evangile, les Actes des saints s’inscrivaient en figures lumineuses serties par un linéament de plomb.

On voyait le bon Samaritain et la Madeleine, les prophètes dans le désert, le Christ au tombeau. Les personnages portaient des vêtements du xvie siècle, et l’on reconnaissait dans les attitudes théâtrales, dans l’exagération des musculatures et la splendeur des draperies, l’influence des maîtres italiens. Des bourgeois chevauchaient, vêtus de velours et de fourrures. Des apôtres à barbe frisée avaient des robes jaunes, modelées en violet, et gonflées de vent. Les saintes femmes étaient délicieuses, avec leurs cheveux dont le blond verdissait sous un chaperon pointu et le blanc gris de leurs collerettes tuyautées. Les paysages tourmentés et minutieux montraient à la fois des rochers, des cèdres, les méandres déroulés d’un fleuve, les petits sentiers à travers la plaine, les petits arbres en boule, et toutes les maisons des villes, et toutes les fenêtres des maisons. Dans la partie inférieure du vitrail, le donateur et sa femme, agenouillés, étaient reproduits scrupuleusement dans leur laideur authentique.

Élie Forgerus ne s’arrêta guère à les regarder. Il se reprochait déjà sa trop longue promenade et la joie qu’il avait éprouvée devant le miracle quotidien de l’aube. Voilà qu’il avait retardé l’heure de sa méditation, séduit par les prestiges de la lumière, cette « reine des couleurs », dont saint Augustin a dit la