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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/413

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s’empressent autour de lui. Et comme Jacquine avait vu mourir beaucoup de monde, des vieux et des jeunes, elle reconnut ce symptôme de la fin prochaine, et, hochant douloureusement la tête, elle fit un signe imperceptible à madame de Chanteprie.

Muettes, le cœur serré, elles reprirent leur veillée… Madame Angélique priait ardemment, si ardemment que sa douleur se consumait presque dans l’ardeur de sa prière. Elle songeait, avec une sainte dilection, à l’heure, maintenant peu lointaine, où elle irait rejoindre son fils bien-aimé… Déjà, voyant sur son front la couronne de gloire, elle le contemplait avec respect et elle remerciait Dieu qui lui avait permis d’enfanter à la vie éternelle celui qu’elle avait enfanté à la vie mortelle. Elle ne doutait pas un instant d’avoir fait, sans défaillance, son devoir de mère et de chrétienne… Et près d’elle, accroupie dans l’ombre, la Chavoche pleurait… Elle pensait à l’enfance de son fieu, aux jolis cheveux blonds qu’il avait, à ses manières si douces, aux caresses qu’elle recevait de lui, et le pauvre cœur octogénaire éclatait tout bas, sans bruit, sans ostentation de désespoir… Augustin !… Elle l’avait tant aimé ! Il avait été pour elle ce que l’époux et l’amant sont aux autres femmes : son orgueil, son délice, son tourment, son amour… Oui, le seul amour de sa longue vie, ou plutôt sa vie même. On pourrait bien enterrer la Chavoche avec son fieu, roulés dans la même toile : elle se sentait mourir de sa mort…

La fournaise du jour avait embrasé la nuit. Au loin, des éclairs silencieux ouvraient, dans le ciel sans étoiles, des perspectives phosphorescentes. Les noctuelles entraient en bourdonnant dans la chambre, et Jacquine,