Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/80

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housses au crochet étaient rangés en bel ordre. Le bronze de la pendule brillait comme un astre, entre deux bouquets de roses artificielles. Et la compagnie s’ennuyait convenablement dans cette pièce minuscule, un peu sombre, un peu humide, qui sentait la cave et la sacristie.

La compagnie, c’était M. et mademoiselle Gourdimanche, l’abbé Le Tourneur, l’abbé Chavançon, vicaire d’une grande paroisse de Paris ; c’était l’abbé Vitalis curé de Rouvrenoir, c’était M. Loiselier, fabricant d’images religieuses, membre de la Société de Saint-Vincent de Paul, madame Loiselier, présidente de l’« Association des Mères chrétiennes » de son arrondissement, et mademoiselle Eulalie Loiselier, leur fille.

Ils étaient venus à Hautfort, invités par Cariste Courdimanche, qui les connaissait à peine, et présentés par l’abbé Chavançon, qui les connaissait beaucoup. L’abbé, bon garçon, d’humeur avenante et de belle mine, dirigeait ces dames Loiselier, qui en avaient fait le conseiller indispensable, l’oracle de la maison. Il régnait ainsi sur quelques familles où son couvert était mis à un jour marqué de la semaine, où l’on n’achetait pas un meuble, où l’on n’ouvrait pas un livre, où l’on ne mariait pas une fille sans consulter M. l’abbé… M. l’abbé plaisait aux dames parce qu’il était indulgent, spirituel, « homme du monde » ; il ne déplaisait pas aux maris parce qu’il aimait les bons mots, et faisait oublier sa soutane, un peu gênante quelquefois. Trop léger pour être hypocrite, trop bien portant et trop gai pour être vicieux, Chavançon était, comme M. Le Tourneur, un fonctionnaire clérical qui