Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/116

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— Nous sommes prisonniers… Fermée, la porte charretière ; fermée, la petite porte, derrière le pavillon ; fermée, la grille du potager… À moins de sauter par-dessus les murs du jardin !…

— Cherchez un moyen plus simple pour me faire évader.

— Il n’y en a pas !

— Inventez l’impossible… Je ne peux pas rester chez vous toute la nuit !

— Pourquoi pas ?

— Comment, pourquoi pas ?… »

Le vent, furieux, fit grincer les girouettes et trembler le pavillon comme une navire. Augustin s’écria :

« Toutes les puissances de la nature se sont liguées avec Jacquine pour vous retenir ici. Eh bien, prenons gaiement l’aventure. Je vous céderai la place ; j’irai dormir dans la grande maison… Le lit a des draps blancs de ce matin ; le feu couvera sous la cendre. Vous reposerez bien tranquille… Il n’y a pas de revenants.

— Qu’en savez-vous ? Et que ferai-je si, vers minuit, Adhémar et Rosalba-Rosalinde surgissent, en linceuls blancs, traînant des chaînes !… Cette maison est la maison du péché !… Et puis, que dira Jacquine ?

— Vous pensez à ce que dira Jacquine, lorsqu’un mot de vous, un « oui », un « non », peut me faire tant de plaisir ou de chagrin !

— Ah ! monsieur de Chanteprie, vous commencez à devenir amoureux pour de bon, puisque Votre Sagesse a de tels caprices… Vous n’êtes pas janséniste, ce soir !

— Moquez-vous de moi, tant qu’il vous plaira, mais restez…

— Vous ne redoutez rien de moi, ni de vous-même ?…

— Puisque je m’exile !… »

Elle s’était rassise, encore hésitante, retenue par une très intime pudeur.

« Vous vous en irez tout de suite ?

— Ah ! vous consentez, vous consentez ! s’écria-t-il… Oui, ma chérie, je vous obéirai, je m’en irai tout de suite…

— Eh bien, je dors debout. Allez-vous-en. »

Elle lui tendit la main, qu’il baisa avec une affectation de respect, comme pour rassurer la jeune femme.

« Bonsoir, Fanny chérie.

— Bonsoir… Qu’attendez-vous ? »

Il était devenu, subitement, tout mélancolique.

« Rien… Je m’en vais. Adieu. »