Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/153

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patron, qui connaissait par expérience « les misères et les saletés » de l’amour humain, saint Augustin déplore l’imprévoyance de ses parents qui ne l’engagèrent point dans les liens du mariage. Rappelez-vous le second livre des Confessions : « Et quid erat quod me delectabat, nisi amare et amari ?… » Avant même que sa concubine fût retournée en Afrique, avant même qu’il l’eût arrachée de son cœur, sa famille et ses amis travaillaient à le marier. Vous me direz qu’après la méditation dans le jardin, il abandonna la rhétorique et toutes les espérances du siècle pour vivre dans la pénitence et la chasteté. Vous me direz aussi qu’Augustin marié n’eût pas été saint Augustin, évêque d’Hippone et docteur de l’Église… Eh ! mon ami, vous qui n’aspirez pas à la canonisation, contentez-vous d’une vertu commune et ne repoussez pas l’unique remède qui puisse guérir votre mal.

— Je vous entends, mais pourquoi les amis d’Augustin et sa mère ne songèrent-ils pas à lui donner pour épouse la concubine fidèlement aimée, la mère d’Adéodat ? Pourquoi la laissèrent-ils s’enfermer dans un couvent ?… Et cette femme était chrétienne ! Augustin ne pouvait la considérer comme une ennemie de sa foi. Ensemble, ils eussent élevé leur fils dans la connaissance et l’amour du même Dieu. Mais, parce qu’il avait aimé cette maîtresse d’un amour de volupté, parce qu’elle représentait la principale et la plus chère de ses erreurs, il craignit de la trouver toujours entre Dieu et lui. Il chercha le mariage et non plus l’amour… et il rencontra la pénitence. Ne demandez pas à Thérèse-Angélique de Chanteprie de faire ce que sainte Monique n’a pas fait…

— Vous connaissez les textes, dit le curé, et vous les interprétez à votre manière… Mon ami, le mieux est l’ennemi du bien. Ce qui vous tue, c’est la maladie du scrupule. Je vous le répète encore, mariez-vous, tout s’arrangera.

— Vraiment !… Tout s’arrangera ? Soit ! J’arracherai à ma mère le consentement qu’elle refuse, qu’elle a raison de refuser. Fanny jouera devant l’autel son rôle d’épouse chrétienne participant au sacrement de mariage, et, pour lui épargner le petit ennui d’un mensonge, je lui achèterai, la veille, un billet de confession… Cela se fait à Paris… Plus tard, quand un fils naîtra de nous, il entendra, tour à tour, nos enseignements contradictoires… Tout s’arrangera. Vous croyez ?

— Je croyais vous donner un conseil utile. Mais peut-être