Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/157

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Trente artistes s’étaient groupés pour exposer, à frais communs, des objets d’art, émaux, verreries, étains, céramiques. Et c’était l’inauguration de cette « Exposition des Trente », à la Galerie Petitot.

La longue salle au plafond vitré, au tapis rouge, aux murs rouges, aux canapés rouges entourant les sveltes palmiers dont on ne voyait plus la tige, la salle toute bourdonnante de voix, chaude comme une serre, était obliquement traversée d’un rais de soleil vaporeux. Irisée par ce rayon, une poussière flottait et, dans l’harmonie bleuâtre d’une peinture impressionniste, accordait mille taches, colorées, disparates : les verts acides, les violets sourds, les bleus crus, les rouges neutres ou vifs des toilettes, l’or neuf des cadres, les blonds divers des chevelures, la pâleur des visages fardés où l’on ne distinguait, de loin, que les taches sombres des yeux et la tache pourpre des lèvres.

« Surveillez la porte ! » s’écria Barral séparé brusquement de Rennemoulin.

Ils attendaient Fanny. Elle avait promis de les retrouver, à quatre heures précises, devant la vitrine qui renfermait son exposition particulière : une série de cuirs décorés pour la reliure de la maroquinerie.

Un remous de la foule poussa devant eux Saujon et Coquardeau, le peintre vêtu d’une cape noire et d’un chapeau mou, le sculpteur habillé comme un manœuvre endimanché. Mme Saujon suivait, bizarre avec son petit chapeau de feutre gris sur des bandeaux botticellesques.