Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/171

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parce que tu t’es souvenu de mon corps… Mais après, quel reproche dans ton silence, quelle rancune !… Tu me détestais !

— Fanny !

— Je suis pour toi ce qu’était l’alcool pour le vieux Faron : ton vice… Le vice honteux, ignoble, qu’on n’avoue point… Va, je sais !… Tu ne m’abuseras plus ! Tu ne peux plus te tromper toi-même… Non, non, tu ne m’aimes pas !… Tu ne t’es jamais donné tout entier ! Il y a quelque chose en toi qui se refuse, qui proteste… quelque chose d’insaisissable… Et c’est ça que je veux, ça seulement !… Laisse-moi !… Ne me touche plus !… Tes mains, ta bouche, ta chair sur ma chair… et pas ton amour ! Ah ! c’est horrible !…

Elle eut un cri navrant… Augustin soulevé à demi regardait la nuque sombre, les cheveux répandus sur les bras pâles, tout ce corps humilié, secoué de sanglots.

« C’est ton amour que je voulais ! J’ai cru le mériter par ma patience et ma tendresse… Tes froideurs, tes rebuts, ta négligence insultante, j’ai tout subi, tout pardonné… J’ai mendié tes lettres glacées, tes courtes visites, ces entretiens où tu me meurtrissais le cœur… T’ai-je fatigué de ma présence ?… Ai-je pleuré devant toi ?… Ne t’ai-je pas béni, pour ces miettes de tendresse dont tu me faisais l’aumône ?… Ah ! je n’étais pas fière ! Tu me trouvais toujours, quand tu voulais, docile et caressante… Que n’aurais-je pas fait pour toi ?… Comme je me donnais !… Et tout cela, parce que j’espérais, à force de t’aimer, être aimée ! »

Elle se tourna vers Augustin et lui frappa la poitrine.

« Tu n’as rien, là… rien !… Je puis agoniser de douleur : mon désespoir, c’est ta revanche ! Je dois expier le péché que nous commettons… Tu croirais qu’il n’y a pas de justice, si j’étais heureuse… Eh bien, rassure-toi : ton Dieu est vengé, ton Dieu triomphe ! Depuis que je suis ta maîtresse, tu ne m’as pas donné une heure, pas une minute de bonheur vrai… Et maintenant, j’ai assez souffert ! Je n’en puis plus ! Il faut que cela finisse !…

— Ah ! cria-t-il, si nous pouvions sortir de ce enfer !… Tu dis que tu n’es pas heureuse. Me crois-tu plus heureux que toi ?… Quand je pense à nos rêves de l’an dernier !… Tout es souillé, tout est détruit !… Je n’ai plus d’illusions et plus de courage ! Mais regarde-moi donc !… Je suis un autre homme. Mes anciens amis ne me reconnaissent plus… Et s’ils voyaient mon cœur !…

— Enfin, tu oses parler franchement ! tu avoues ta lâcheté,