Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/22

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La vie nouvelle commença.

Chaque jour, dès six heures, M. Forgerus réveillait son élève. Les leçons orales, les exercices de piété se succédaient, assez brefs, assez variés, pour ne point lasser l’attention de l’enfant, coupés de récréations et de promenades. Jamais de visites, jamais de vacances : le jours se suivaient, tous pareils, sans heures stériles.

C’était une éducation à l’ancienne mode, et telle que M. Lancelot l’avait pu donner aux jeunes princes de Conti. M. Forgerus avait passé du collège au séminaire, et du séminaire au collège. Effrayé par la grandeur du sacerdoce, effrayé par la corruption du monde, il était demeuré demi-laïque et demi-clerc. Il n’avait rien su des passions que par les livres, et n’avait rien aimé avec excès que la théologie et les belles-lettres.

Les mathématiques l’intéressaient, et les ouvrages de mécanique, mais il demeurait assez indifférent au progrès des sciences, et peut-être, au fond du cœur, condamnait-il « cette recherche des secrets de la nature qui ne nous regarde point, dit Jansénius, qu’il est inutile de connaître, et que les hommes ne veulent savoir que pour les savoir seulement ».

Mme de Chanteprie avait approuvé le programme et la méthode du précepteur. Elle pensait que d’excellentes humanités, une forte éducation morale et religieuse, quelque teinture des sciences, suffisent à former un « honnête homme ». Augustin de Chanteprie n’était pas destiné à briller dans les salons. S’il n’avait pas la vocation sacerdotale, il resterait, comme son père et son grand-