Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/231

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Perdue, elle était perdue, la bien-aimée ! Ni la tendresse d’Augustin ni son sacrifice n’avaient pu sauver cette âme : « Pourquoi, mon Dieu ? demandait-il, prosterné devant le Christ aux bras étroits. Est-elle si pervertie ou si malheureuse que vous deviez lui refuser, éternellement, votre grâce ? N’ai-je pas prié pour elle, souffert pour elle, expié pour elle ? Ses fautes ne peuvent être plus grandes que mon repentir et votre miséricorde. » La voix des Docteurs et des Pères lui répondait : « Dieu ne fait point de marché avec sa créature ; il ne vend point sa grâce, fût-ce au prix des larmes et du sang. Que parles-tu d’expiation, toi qui chéris encore ton péché dans la complice de ce péché ?… Malheureux ! Le Dieu jaloux veut être aimé pour l’amour de lui-même et non pour l’amour d’un être périssable. Qui ose pénétrer son dessein ? Qui ose lui demander le prix de l’innocence ou du repentir ! Lui as-tu donné quelque chose, le premier, pour prétendre en tirer récompense ?… Adore ses jugements incompréhensibles, sa justice qui ne ressemble point à la justice des hommes, et laisse-le conduire les âmes sans lui demander comment et pourquoi !… Car tu ne dois point te targuer du mérite illusoire de ta pénitence. Dieu, qui sonde les reins et les cœurs, découvre le principe et la racine de toutes tes actions ; il en connaît les intentions et les motifs ; il sait si ces intentions naissent d’un fonds de charité ou de cupidité, si c’est l’amour divin ou l’égoïsme qui en est l’origine. »

Augustin entendait ces voix, et les austérités, les pieux exercices, la rude discipline à laquelle il s’était soumis lui apparaissaient