Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/67

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l’amour tout nu qui ne flatte pas l’imagination, mais qui s’impose comme une force de la nature et qui trouble.

À son insu, Fanny subissait cette force. Elle bravait ce désir avec colère et volupté ; mais elle défendait son âme, résolue à ne point aimer Georges, à n’aimer que l’Autre, celui qui la prendrait tout entière en se donnant tout entier. La répugnance que Barral témoignait pour un divorce, fortifiait sa rancune. Elle se moquait bien du mariage, en vérité ! Mais elle haïssait les réticences… Elle trouvait Barral indélicat, cyniquement égoïste ! Et cependant elle tremblait près de lui, sur la bruyère, les nerfs détendus, les yeux amollis, la paume des mains brûlantes.

« Allons-nous-en !

— Où ?

— Au Chêne-Pourpre.

— Je vous quitterai donc au carrefour. Je dois prendre le train de six heures.

— Bien. »

Fanny, debout, les bras levés, ajustait son léger chapeau. Soudain, Barral l’étreignit, froissant de ses mains la chemisette de mousseline, cherchant la bouche qui se refusait. Elle fit « Ah ! » d’indignation. Le baiser glissa sur les cheveux, suivant la rondeur de la joue, rencontra les lèvres serrées obstinément.

« Je vous aime. Vous m’aimerez. Je veux que vous m’aimiez ! »

Il répétait : « Je veux » avec une obstination enfantine. Mais, furieuse de cette violence, elle luttait, petite hirondelle blanche et noire, prise aux serres du faucon.

« Laissez-moi. Vous m’offensez. »

Il obéit. Sur sa gorge meurtrie par des caresses brusques, elle arrangea sa chemisette. La cravate de dentelle, tout arrachée, pendait lamentablement. Barral vit le désastre. Ce détail le terrifia. Il se trouva stupide et grossier.

« Je suis une brute… Fanny, je vous demande pardon… Je ne recommencerai plus, plus jamais. »

Il était si penaud, que la jeune femme se mit à rire :

« Vous avez l’air d’un gosse qui a déchiré la robe de sa maman, et si ridicule que ça me désarme… Mais n’y revenez plus… »

Ils repartirent, à une allure modérée, sur le même rang. Ils traversèrent le village, remontèrent la côte, et se retrouvèrent à l’orée de la forêt, sur le plateau.

Barral murmura :