Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/75

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et, débordant d’émotion, tel un fils qui raconterait l’outrage fait à son père, il s’animait, le sang aux joues, la flamme aux yeux, la voix plus vibrante, en vrai Chanteprie qu’il était.

« Il n’y a plus de jansénistes, maintenant ?

— Il existe une Église janséniste en Hollande, qui forme les diocèses d’Utrecht, de Harlem et de Deventer. Quelques religieuses jansénistes, les sœurs de Sainte-Marthe, achèvent de mourir à Magny-les-Hameaux, près des ruines que parfume le souvenir des deux Angéliques… Mais la plupart des jansénistes actuels se souviennent moins des leçons de Saint-Cyran, que des folies des convulsionnaires… Je préfère ne pas parler d’eux.

— Vous n’êtes donc pas janséniste ?

— Moi ?… Je suis catholique.

— C’est-à-dire…

— C’est-à-dire que je me soumets aux enseignements de l’Église : je crois au libre arbitre, et je ne doute point que nous ne puissions tous nous sauver, avec la grâce de Dieu…

— Avec la grâce !… » répéta Fanny.

Il essaya de définir la grâce, d’en expliquer l’origine, la nature, la démarche mystérieuse dans l’âme. La jeune femme s’appliquait à comprendre. Mais il se troublait soudain, son âme scrupuleuse prise d’angoisse… Cette curiosité de Fanny, ce désir de s’instruire, n’était-ce pas, précisément, le premier mouvement de la grâce agissant en elle ?… Comment la guider, l’éclairer, lui indigne ? Parler d’un prêtre ? il n’osait pas. Fanny se méfiait des « robes noires ».

« Je ferai de mon mieux », dit Augustin.

Elle le remercia. Ses mains touchaient le vieux livre, impatientes. Augustin, brusquement, prit congé.

Il s’arrêta sur le plateau, devant la maison où l’abbé Vitalis l’attendait. Une joie paisible, faite d’espoir, de crainte, de tendresse et d’immense étonnement, dilatait son âme. Et il restait quasi stupide, regardant les fleurettes jaunes au bord du chemin.

« Vous dormez debout ? » dit la voix railleuse du prêtre.

Augustin répondit :

« Je faisais un si beau rêve.

— Vous retournez à pied jusqu’à Hautfort ?

— Oui, j’aurai plaisir à marcher… M’accompagnez-vous ?

— Jusqu’à la route. »

Côte à côte, ils allèrent, et l’abbé déclara :