Page:Tinayre - La Rancon.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous rappelez-vous le dîner des Champs-Élysées ?

— Et ma première visite ?

— Dire que j’ai osé vous embrasser. Vous n’étiez pas fâchée ?

— Moi ? pas du tout, dit-elle en riant.

— Vous l’avouez ?

— Ah çà ! fit Jacqueline, mais je ne me crois pas déshonorée parce que je vous aime… puisque je ne peux pas faire autrement.

— Voilà ce que je ne puis comprendre, dit Chartrain en s’accoudant sur la table… Je ne suis ni jeune, ni beau, ni aimable…

— Vous êtes bête, aujourd’hui, mon pauvre Étienne.

— Plaisanter n’est pas répondre… Line, regardez-moi bien… Vous êtes bonne ; vous aimez à donner du bonheur ; vous êtes fine et curieuse. Vous vous êtes dit : « Que peut-il y avoir dans le cœur de ce taciturne qui ne rit jamais ? » La pitié, la curiosité vous ont abusée… Un jour, ma chérie, vous verrez le pauvre Chartrain comme il est. Vous penserez : « J’ai assez fait pour lui. Qu’il se débrouille !… » Et je serai affreusement malheureux.

— Vraiment ?… vraiment ?… dit-elle d’un air moqueur.