Page:Tinayre - La Rancon.djvu/14

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fort explicite, ne l’eût pas tiré d’erreur… Il avait sept ans, et il ne savait pas lire.

Interrogé, il avoua son ignorance :

— Lire ?… À mon âge ?… Maman ne voudrait pas… Ça me fatiguerait la tête… Elle l’a dit à m’sieu Moritz : « Faut pas lui fatiguer la tête, à cet enfant ». Et m’sieu Moritz, il a dit : « Vous allez en faire un joli cancre… » Qu’est-ce que c’est, un cancre, m’sieu Chartrain ?… Et maman a dit : « Bah ! il sera comme son père !… » Papa, il est un cancre, dites, m’sieu Chartrain ?

— S’il ne l’est plus, il l’a été, dit Chartrain avec un bon rire.

Les cheveux blonds de l’enfant balayaient les images des « petites femmes ». Chartrain, agacé, et même un peu choqué, ramassa la Revue Parisienne et la jeta sur un fauteuil. Alors, le gamin se releva, matelot minuscule et goguenard, aux joues roses, aux larges yeux verts et changeants, tout le portrait de madame sa mère, sa jolie mère… Et les mains croisées derrière le dos, contemplant l’homme de quarante ans dont il respectait le grand âge, il déclara :

— C’est-il vrai, monsieur, que vous avez été le professeur de papa, quand il était petit ?…