Page:Tinayre - La Rancon.djvu/160

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apprêtées que de coutume, sous les frisures excessives, les rubans et les fleurs. Ils s’arrêtèrent sur la porte qui, tôt ou tard, devait s’ouvrir pour laisser passer Jacqueline. Chartrain, reculé peu à peu au dernier rang des hommes, désirait et redoutait le moment où la bien-aimée apparaîtrait, au seuil du salon, parée comme les autres femmes, plus belle, et portant un mortel mystère dans son cœur.

On avait disposé près du piano les pupitres des deux violonistes qui devaient jouer avec Suzanne. Déjà les causeurs faisaient silence… La porte s’ouvrit. Sous les regards, sous les lumières, Jacqueline entra. Elle serra la main de son amie, salua quelques femmes, et pour ne pas interrompre le trio qui commençait, elle resta debout contre une portière de vieux velours, droite, immobile et pensive.

Elle portait une robe étrange et charmante, en souple mousseline de soie brochée de larges fleurs mauves et de feuilles de roseaux. Froncée comme une aube, découvrant le cou délicat, l’attache des épaules, la rondeur naissante de la gorge, elle tombait presque à terre et traînait un peu avec mille plis fins et pudiques que chaque mouvement drapait sur la forme parfaite du corps. Un