Page:Tinayre - La Rancon.djvu/193

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Plus que tout autre, il devait souffrir des petits supplices que l’habitude n’avait pas encore émoussés. Serrer la main de l’ami qu’on trahit, s’asseoir à sa table, mentir toujours et partout, ces obligations allègrement supportées par les séducteurs professionnels firent expier à Chartrain son bonheur coupable. Plus d’une fois, le cœur lui manqua… Il était sévère pour lui-même et ne se ménageait pas les cruelles vérités, mais il ne pouvait convenir du péché d’hypocrisie. Non, il n’était pas un hypocrite, car son amitié pour Vallier, antérieure à son amour, n’était aucunement modifiée.

Cette amitié restait sincère, et ce n’étaient pas des ruses adroites, ces témoignages de dévouement qu’il prodiguait à Paul. Sa jalousie même demeurait douloureuse sans être agressive, car l’esprit de justice qui dominait toutes les actions de Chartrain triomphait dans l’amour même. Paul, d’ailleurs, ne montrait aucun souci de vigilance. Très affairé, accoutumé aux longues absences de Jacqueline, il ne demandait à sa femme que de la bonne humeur et de la beauté, aux rares heures qu’ils passaient ensemble. Il était trop naïvement content de lui pour n’être pas sûr d’elle, n’étant ni de la race des amants, ni de la race des jaloux.