Page:Tinayre - La Rancon.djvu/229

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invisibles. Elle eût invoqué Mahomet ou Bouddha, promis des ex-voto à la vierge de Lourdes et adoré des fétiches, tant le cœur de la femme, contre l’évidence même, rêve un refuge à ses espoirs. Le soir tombait. L’ombre envahit la chambre, tamisant une cendre violette sur les objets et le drap pâle, glissant jusqu’à terre, prit l’aspect fantomatique, le mystère du linceul. Lucie apporta la lampe. Le malaise de la lumière artificielle, la menace de la nuit lourde aux moribonds oppressèrent Jacqueline. Elle eut froid ; elle eut peur ; elle eut envie d’appeler à son secours. Le docteur la trouva en larmes. Il se fâcha.

— Avez-vous pris les précautions que j’ai prescrites ?

Elle haussa les épaules. Il s’irrita, parla de la renvoyer hors de la chambre et la força à se laver les mains dans la solution de sublimé… Sous ses rudes paroles, comme sous le fouet glacé d’une douche, Jacqueline retrouva son énergie. Elle ne craignait pas la contagion. Non contente de s’exposer elle-même, elle exposait son amant au péril… Ainsi elle pouvait sauver Paul et mourir, Étienne pouvait mourir avec elle, dans les tortures de l’asphyxie… « Qu’importe, nous le de-