Page:Tinayre - La Rancon.djvu/236

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heures, Vallier, épuisé, tomba dans un sommeil presque tranquille. Le médecin déclara :

— Je crois qu’il en réchappera… Mais il revient de loin !… La moindre négligence eût été fatale.

Il se lava soigneusement le visage et les mains et pressa Jacqueline et Chartrain de l’imiter.

Puis, le couple se retrouva, seul, dans le petit salon, près de la chambre où Vallier reposait. Un jour gris éclaira leurs visages exsangues, ravagés, où semblait pâlir la flamme de la vie. L’aube naissait dans un ciel triste et mouillé, une aube sans rayons et sans joie. Il pleuvait. Jacqueline ouvrit la fenêtre, offrit son front à l’averse qui crépitait sur les pierres du perron et noyait dans de jaunes ruisseaux le gravier des allées. Au delà des lignes d’arbres, au bas de la colline, dans la plaine, des formes confuses sortaient du brouillard, les lointains monuments, la tour démesurée dont le faîte disparaissait dans l’épaisseur opaque des nuages. Le jour s’éveillait en pleurant sur les secrets qu’il apportait, sur les maux qu’il ajouterait aux maux de la veille. Des chariots criaient dans les chemins ; des pas se rapprochaient et s’éloignaient. Un chien aboya avec colère. C’était l’heure où le sentiment de leur misère revient hanter les misé-