Page:Tinayre - La Rancon.djvu/259

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de famille ?… La femme qu’on possède dans le crime, dans la terreur, peut-on l’aimer d’une bien noble tendresse ? Allons donc ! les petites vilenies, les petites lâchetés quotidiennes altèrent et corrompent l’amour. Il commence par de beaux rêves, de délicates émotions, des sensations exquises. Il finit misérablement sur les canapés de cabinet particulier et les lits publics des garnis louches.

Les dames Séverat baissaient leur nez pudiquement. Jacqueline était pâle et semblait prête à défaillir. Chartrain répondit avec douceur :

— Vous nous racontez, mon cher ami, l’histoire banale qui arrive à l’immense majorité des amants. Je vous félicite d’en être écœuré et indigné. La trahison, comme le vol, comme l’ivrognerie, fait horreur aux honnêtes gens, satisfaits de leur sort et qui jugent de sang-froid les misères des autres. Je ne prétends pas excuser les adultères. Je ne prétends pas non plus les condamner en bloc. Autant de cas, autant de verdicts. Mais, mon ami, à côté de cette immense majorité dont nous parlions, parmi les âmes viles et les corps lâches, des amants peuvent se rencontrer qui eussent été d’admirables époux. Ah ! les malheureux qui ont lutté, qui ont déploré leur faiblesse, qui chérissant l’un ou l’autre ce qu’ils ont de meilleur, ces couples