Page:Tinayre - La Rancon.djvu/274

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Jamais, depuis les angoisses de cet automne, ils n’avaient goûté telle douceur. Le cadre nouveau de leur amour, cette chambre étrangère mais si gaie, si bienveillante, avec son lit pas trop large, sa vieille armoire, le mauvais goût attendrissant de la pendule et du tapis, les isolait dans l’enchantement du présent, hors des milieux familiers, évocateurs de tristesses. Le cercle de pierre et de bruit, la Ville, ne les oppressait plus à travers les murs. Ils jouissaient de sentir au-dessus d’eux, sur le toit, un vaste ciel pur et parfumé, et autour d’eux le cirque de la forêt, les arbres à l’infini, la solitude…

Jacqueline balbutiait :

— Oh ! rester comme cela, toujours… Il me semble que je m’évanouis sur ta poitrine, que je me perds en toi, Étienne aimé.

— Je te retrouve donc, dit-il. Ma douce, ma caressante amie n’a pas changé.

Elle eut un rire tendre.

— La bonne femme me croit bien malade. Si elle se doutait…

— Elle ne se doute de rien. Elle te prend pour une jeune mariée, bientôt mère… Brave vieille ! Que ne dit-elle vrai ?

— Tu souhaiterais… cela ?