Page:Tinayre - La Rancon.djvu/300

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renoncer à ces délices mortelles qui empoisonneraient notre amour… Hélas ! n’est-ce pas renoncer à l’amour même ? Line, ma petite Line, tu ne reviendras plus. Tu as emporté, pour ne plus me les rendre, la vie et le soleil de ma maison. Amie qui me consolais si bien, indulgente à toutes mes chimères, tour à tour amante, sœur, enfant, tu ne seras plus qu’une ombre évanouie dans le passé. Hélas ! tu existes, tu respires, tu souffres à quelques pas de moi ; nul n’entrave ni ne soupçonne nos amours, et notre seule volonté dresse entre nous l’épée flamboyante. Nous ne rentrerons plus ensemble dans les paradis perdus.

» Hélas ! un obstacle nous sépare, plus solide que toutes les lois : votre conscience. Autrefois, au début de notre amour, vous étiez une enfant tendre et rieuse et je chérissais en elle la femme que je pressentais. Le jour vint où je dus subir le charme de la petite magicienne dont le baiser endormit comme par un sortilège les révoltes de ma raison. Vous le savez, pourtant, chérie, mes scrupules d’ami et d’honnête homme avaient longtemps combattu mes désirs d’amant, et mon bonheur même, mon bonheur cher et coupable, ne les détruisit pas tout à fait. Je vous rêvai toute pareille au doux idéal