Page:Tinayre - La Rancon.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

talgie de pureté et de loyauté qui grandissait en toi. Le voyage qui va nous séparer rendra plus facile l’évolution définitive de nos sentiments. Tu verras, quand tu reviendras, comme je serai calme et grave. J’aurai tant vieilli !

» Jacqueline, ma bien-aimée, laisse-moi encore te donner ce nom ! Tu ne souffriras pas trop, dis ? tu pourras m’oublier vite ? Non, tu ne m’oublieras pas, je le sais ; mais peu à peu, par une juste loi, je passerai au second plan de ta vie… Tu as en Paul un ami excellent, tu as un enfant qui m’est cher comme un fils de mon âme, et dans l’avenir, comme dans le présent, je resterai seul. Va ! ne crois pas que je me résigne sans effort à cette solitude. Toutes les batailles ne sont pas gagnées. Mon repos n’est pas conquis.

» Mais au moins tu m’estimeras. Notre amour, qui fut si beau, ne sombrera pas dans le dégoût, dans les querelles misérables. Je paye, dans les larmes et la douleur, par un sacrifice qui excède presque les forces humaines, la rançon d’un surhumain bonheur. Au revoir, mon amie. Souhaitons que je vieillisse vite et que l’apaisement se fasse en nous. Nous serons fidèles au souvenir sans peine ni mérite, car nos âmes épuisées ne seraient plus fécondes pour d’autres