Page:Tinayre - La Rancon.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leçons à son fils, fieffé paresseux, honte de la classe de quatrième… Tous les dimanches, Étienne initiait son élève — presque son camarade — aux douceurs des déclinaisons grecques. Mais Paul préférait aux mystères des langues mortes le pittoresque argot parisien, la rédaction d’un journal manuscrit et illustré qui paraissait toutes les semaines et contenait la petite chronique du lycée et la charge des professeurs. Le père Vallier, chef de bureau aux Finances, désespérait de voir jamais le baccalauréat honorer son rejeton. Et madame Vallier, une blonde sèche et jolie, coiffée en repentirs, suppliait le jeune Chartrain de falsifier le bulletin de notes, remis tous les mois au papa. Étienne était bien persuadé que Paul se rendrait célèbre par des échecs successifs, d’autant plus lamentables qu’il était intelligent, affligé seulement, disait-il, « d’une flemmite aiguë ». Mais Étienne était déjà licencié et nommé professeur en province quand le moment fatal arriva. Une lettre affectueuse et humoristique apprit à Chartrain la retoquade de son élève, devenu son ami. Paul jurait de prendre sa revanche. Il tint parole et, l’année suivante, reçu avec la mention « passable », il annonça son intention de devenir un « auteur gai ». Schopenhauer exerçait alors ses