Page:Tinayre - La Rancon.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la bureaucratie. N’était-ce pas assez d’un toqué dans la maison ? Pour madame Chartrain, tous les écrivains, tous les artistes étaient des toqués, et Étienne méritait ce nom plus que les autres, ayant perdu, par sa faute, une belle position ! Ah ! s’il avait voulu !… Elle l’avait rêvé décoré, marié, respecté, élevé aux plus hauts grades. Le sentiment de la folie d’Étienne supprimait en elle toute espèce de reconnaissance. Jamais elle ne l’avait encouragé ; jamais elle n’avait lu une ligne de ses articles. Elle trouvait naturel qu’il travaillât, après avoir compromis la sécurité de toute la famille. Son affection même s’était altérée et aigrie. Les plus nobles qualités de son fils la laissaient indifférente. Il avait trahi ses espérances et elle ne pardonnait pas.

Maurice Chartrain pensait déjà au prix de Rome ; Étienne entrevoyait des jours plus heureux. Mais une flamme trop ardente brûlait le corps frêle du jeune musicien. Après des excès de travail, vainement réprimés par le frère aîné, Maurice mourut en quatre jours d’une foudroyante méningite.

Heures douloureuses où le deuil d’Étienne fut presque un désespoir paternel. Il connut le fond de la douleur quand la mère, exaspérée par