Page:Tinayre - La Rancon.djvu/36

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femmes dont le passé douteux, le corps expérimenté, l’âme vénale ou frivole décourageaient son désir.

Deux fois cependant, Étienne avait cru aimer. Il avait rencontré, chez des amis, une jeune fille de vingt ans qui portait à miracle son doux nom de Claire. Claire, en effet, comme le cristal, blanche, blonde, saine, elle plaisait par sa gaieté et sa candeur. On lisait toutes ses émotions dans ses prunelles transparentes. Elle réalisait le type de l’épouse, chaste et forte gardienne du foyer, et ses jeunes flancs, déjà superbes, étaient promis aux maternités nombreuses. C’était la déesse du sanctuaire domestique, celle qui ne trompe pas, celle qui borne son horizon aux mousselines des berceaux, cœur patient et sens paisibles. Mais c’était aussi la fille des anciennes familles et des vieilles mœurs, créature faite pour le joug, dont la volonté hésitante ne sait ou n’ose décider, et qui accepte un mari de la main de ses parents, comme les jeunes filles de Racine. Elle était mariée maintenant, depuis dix ans, et habitait la province. Pourtant elle avait aimé Chartrain de cette vacillante tendresse des vierges qui n’est pas l’amour, mais la promesse de l’amour. Elle l’avait oublié dès les premières fêtes de fiançailles et lui, à la voir si docile, s’était vite consolé.