Page:Tinayre - La Rancon.djvu/51

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Beaucoup de femmes, dans le monde que Jacqueline fréquentait, considéraient madame Mathalis — elle se faisait appeler madame — comme un être démoniaque, avili et détraqué. Mais Jacqueline et Paul appréciaient les réelles qualités de cette courageuse créature, si loyale dans ses amitiés, si ferme dans ses convictions, si fière dans sa vie — fière jusqu’à l’imprudence, car, ne doutant pas d’elle-même, elle n’admettait pas que les autres en pussent douter.

On se mit à table et la conversation devint générale. Quérannes et madame Mathalis soutenaient contre Lachaume la beauté d’un drame Scandinave que l’architecte niait avec éclat. Dans le coin de Vallier, on n’écoutait pas beaucoup, et le maître de la maison, excité par l’ivresse légère du bourgogne, la proche présence de la blonde Anna Lachaume, se penchait vers sa voisine un peu trop familièrement… Tout à coup, dans un silence, on l’entendit qui disait :

— Une jolie petite caille comme vous…

Ce fut un rire unanime. Madame Lachaume rougissait et Lachaume, interloqué, prit le parti de rire comme les autres. Il s’écria :

— Dites donc, vous autres, pendant que nous commentons votre assembleur de nuages du Nord,