Page:Tinayre - La Rancon.djvu/53

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— Eh ! dit Paul, ne vous y fiez pas…

— Et la galanterie française, Chartrain, qu’en faites-vous ?

— Je ne tiens pas à passer pour galant, dit Étienne.

— Vous avez raison, expliqua madame Mathalis, la galanterie, c’est la caricature de l’amour.

Lachaume se récria, invoquant la tradition nationale et le xviiie siècle. Chartrain reprit, un peu agacé :

— Eh ! Lachaume, croyez-vous que le xviiie siècle soit le siècle de l’amour ?

— Cependant madame d’Épinay, madame de Warrens…

— Des pédantes à paniers !… Vous avez vu de l’amour dans les madrigaux de Voltaire, secs comme des fleurs artificielles, les larmoiements de Jean-Jacques, les fantaisies libertines de Diderot ?… L’amour n’a pas tant d’esprit et de faconde, tant de hardiesse, surtout. Pour moi…

— Chut ! fit Vallier, le sage des sages va nous donner sa théorie de l’amour.

— Pour moi, continua Chartrain, sans entendre, je ne pourrais donner à une femme qu’un baiser passionné, comme amant, ou un baiser fraternel, comme ami. Mais ces baisers volés par