Page:Tinayre - La Rancon.djvu/87

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réaction. Je ne peux plus me contenir. Si vous saviez ma peine ! Je me trouve injuste et ingrat, maintenant. J’ai cru connaître mon devoir. L’ai-je fait, mon devoir ?… Je n’ai pas su prévoir la mort possible de mon frère… la triste vieillesse de maman…

Jacqueline était toute tremblante, devant ces larmes viriles si puissantes sur la sensibilité des femmes. Elle ne savait comment consoler Étienne, et une envie lui venait de l’embrasser comme un enfant. Mais elle respectait cette douleur filiale et timidement, elle répondit :

— Tous ceux qui vous connaissent savent que vous avez fait votre devoir. Si votre pauvre maman vous voit d’un autre monde, soyez sûr qu’elle vous comprend et vous bénit. Ah ! je voudrais bien que mon petit Jo fût pour moi ce que vous fûtes pour elle.

— Vous êtes délicate et bonne, dit-il en baisant la main qu’il tenait toujours… Vous seule pouviez adoucir ce retour que je redoutais. Vous seule pouviez me consoler. Voyez, je n’ai aucune honte devant vous… Les femmes sont faites pour entendre les confidences de la douleur et essuyer doucement les larmes. Je vous aime, je vous aime bien.