Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

frémissement de tourbillon autour d’elle, en elle. Elle pense :

« Je vais m’évanouir… Je vais tomber ! »

Et elle tomberait, si elle n’était retenue par la grosse voisine et l’ouvrier qui ronfle.

« Maurice !… C’est Maurice !… Maurice !… »

Ce nom, qu’elle répète mentalement, entre enfin dans sa conscience, cloue sa pensée… Elle se maîtrise et redevient lucide.

À quelques pas d’elle, Maurice et sa femme sont assis. Ils causent distraitement, avec des intervalles de silence.

Josanne regarde cet homme qu’elle aima, — qui l’aima sans doute, à sa façon négligente et sèche. — Elle voit passer sur ce visage des expressions brèves qu’elle reconnaît, — un mouvement de sourcils, cette façon d’incliner la tête, ce sourire un peu de côté…

Mais combien Maurice lui apparaît énigmatique ! Il est « le même » ; il n’est plus « le sien… » Josanne ne sait plus interpréter son regard, ses gestes, son attitude… Elle ignore les images familières qu’il emporte dans son cerveau, et ses habitudes, et ses peines, et ses plaisirs et ses projets… Entre ces deux êtres qui furent un seul être par le désir et par le plaisir, qui mêlèrent leurs sangs et crurent mêler leurs âmes, quel abîme d’indifférence, d’ignorance, d’oubli !…

Elle songe :

« Je ne sais même pas son adresse… »

Et son chagrin s’avive d’ironie… On s’aime, on se prend, on se déprend, on se reprend… puis la chaîne