Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/139

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elles subissent la contrainte. De toutes parts, la société limite l’effet de leur rébellion. Elles n’accordent pas toujours leurs actes avec leurs idées ? — Ainsi les anarchistes font leur service militaire et paient l’impôt. — Elles gardent l’instinct de la servitude amoureuse ? — N’oubliez pas que les siècles et les siècles ont façonné leur sensibilité pour l’obéissance et le sacrifice. — Elles aiment des gens indignes d’elles ?… Mais les erreurs sentimentales seront toujours possibles, en tout temps, malgré toutes les évolutions de la morale. De même les progrès de l’hygiène et de la médecine n’empêcheront pas les maladies… Ne raillez pas les femmes qui ont brisé les vieilles chaînes, parce qu’elles traînent encore les tronçons !… Vous-même, Josanne, ne faites-vous pas l’apprentissage de la liberté ?… Si vous vous sentez lâche, ne découragez pas les autres.

— Vous êtes sévère pour moi, mademoiselle Bon ! Je vous ai fait de la peine…

— Beaucoup… Vous étiez juste et généreuse, autrefois, et si brave !… Qu’est-ce qui vous a troublée ainsi ?

— Je ne sais… Un vague malaise physique… Et puis, l’histoire de cette fille, cette « madame Neuf… »

— Il n’y a pas de quoi… Ma pauvre Josanne, la vie est dure pour vous, je le sais… Vous avez des heures de doute, d’agacement…

— De défaillance.… Ah ! mademoiselle je vous admire.

— Bah !

— Je fais mieux : je vous aime…

— Ça, c’est gentil… Vous ne me trouvez pas trop ridicule ?