Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/150

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Elle dit simplement :

— Si j’avais du talent, j’écrirais des livres : je dirais des choses vraies, graves et tristes, qu’une femme seulement peut bien dire… Hélas ! je n’ai pas de talent… J’écris adroitement un article : j’ai un peu de verve et d’esprit, du métier… Mais il me manque le don de réaliser mes imaginations, la faculté créatrice… Je serais une bonne conseillère, peut-être une bonne collaboratrice… Et c’est tout.

Il l’écoutait, surpris de sa modestie…

— Mais alors, madame, à quoi travaillez-vous ?

— Je lis… Je relis… Vous pourriez voir, chez moi, sur ma table, la Travailleuse. J’en ai tiré des tas d’articles. C’est une mine de documents.

— Je serais très fier de voir, de mes yeux, ce bouquin rébarbatif sur votre table.

Josanne comprit et se déroba :

— Oh ! je suis à peine installée ! Je ne reçois jamais personne…

Le jeune homme n’insista point.

— Il se fait tard, madame, et j’abuse… Mais je vous devais une visite, et je vous l’ai faite très longue, par compensation… Et je ne vous ai rien dit de ce que je voulais vous dire…

Il répéta :

— Rien… rien, vraiment…

Josanne pensait :

« Moi non plus, je n’ai rien dit, que des banalités… J’étais si curieuse de connaître monsieur Delysle !… Il est venu. Il s’en va, et je ne sais rien de lui… »

Ils étaient, tous deux, non pas déçus, mais décon-