type d’affranchie, d’intellectuelle, un document vivant et parlant : ça l’amuse… Sa curiosité est devenue sympathie… Tant mieux ! Je serais bien sotte de repousser une honnête amitié qui est la seule douceur de mon existence actuelle… Je saurai ménager les transitions, arrêter la familiarité où il convient… Mais il n’est pas familier, Noël Delysle ! Il n’a pas le mauvais ton de Foucart… »
Elle céda.
Le même soir, le vœu de Noël fut accompli. Il connut Mariette, les Russes barbus, les Valkyries aux tresses d’or, et mademoiselle Muller, et la maigre dactylographe. Il eut Josanne, en face de lui, pour lui seul, à une petite table, dans un coin. Il mangea de bon appétit un dîner médiocre. Égayé par le décor, il se détendit, s’abandonna.
— Comme tout cela me rajeunit !… Je revis mes années d’étudiant. J’habitais non loin d’ici, rue de l’Hirondelle, et je fréquentais des restaurants de quatrième ordre pour y voir des poètes : Moréas, Verlaine… J’avais dix-neuf ans !
Il parla de son enfance, de sa jeunesse, de sa mère, morte trop tôt, de son père, qu’il voyait peu, d’un professeur de philosophie qui avait aidé à la formation de son esprit et de son caractère en le décrassant de tout préjugé. Et il nomma des amis plus récents, compagnons d’étude et de voyage que la vie déjà, avait dispersés. Mais il ne fit allusion à aucune femme et Josanne se demanda s’il avait jamais aimé d’amour.
Le café servi, quand les gens, à droite, à gauche, se levaient pour partir. Noël et Josanne, dans leur coin prolongeaient la causerie. Il pleuvait dehors.