Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/227

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nez contre la vitre et il énumère, tout haut, les objets de son admiration.

— Prends garde, mon petit !

La portière s’ouvre. Une vieille dame se hisse, péniblement. Josanne, obligeante, lui offre la main.

— Madame…

— Merci et pardon, madame !

— Claude, viens là !

— Oh ! il ne me gênera pas, ce petit… Mais… mais… je ne me trompe pas… C’est vous, madame Valentin ! Je ne vous reconnaissais pas, sous cette voilette. Quelle bonne chance !… Quel plaisir !…

— Madame Grancher !

— Comme on se retrouve !

Deux marchands beaucerons en blouse raide, une paysanne au profil de poule, une religieuse anémique, un soldat rouge de peau et de cheveux, approuvent, en hochant la tête, la bienveillance du hasard qui réunit la jeune dame et la vieille dame. Et tous à la fois, sauf la religieuse qui marmonne son chapelet, commencent le récit de rencontres extraordinaires qu’ils ont faites, en chemin de fer.

Madame Grancher paraît contente. C’est une femme de cinquante-cinq ans, courte, grasse, qui a de la préciosité dans les manières et dans l’accent. Et cette préciosité dissimule mal le fond vulgaire de sa physionomie. Elle est complimenteuse et doucereuse, méfiante, à l’affût de tous les secrets.

Josanne pleurerait d’agacement. Elle doit se contraindre à une joie polie, mais elle envoie au diable la vieille avare qui, malgré ses rentes, voyage en troisième classe… N’a-t-elle pas honte, vraiment !