Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/24

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disposaient à l’enthousiasme… Mais, très Française et très Parisienne, elle avait le sens du ridicule et l’horreur des déclamations. Elle ne se payait point de mots et, jusque dans les contradictions de sa vie, elle demeurait sincère avec elle-même.

Il lui semblait discerner, dans le livre de ce Noël Delysle, la marque d’un esprit pareil au sien. Elle se reconnaissait un peu dans la « rebelle » dont il esquissait le portrait… Elle se disait :

« Voilà un homme qui me comprendrait… J’ai accepté le servage domestique ; je n’ai pas rompu tout à fait le « fil de laine », mais je me suis sentie maîtresse de mon cœur et de ma personne… Ce n’est pas un vil sentiment d’intérêt, ce n’est pas la crainte de l’opinion qui me retiennent dans ce mariage, dans ce triste mariage où je porte un double fardeau… Je ne veux pas quitter mon pauvre Pierre, mais je ne peux pas vivre sans bonheur, je ne peux pas… »

Elle lut encore :


« Rêver la liberté de l’amour, en conservant le mariage sous des formes nouvelles, moins rigoureuses, délivrer les hommes et les femmes de l’obligatoire hypocrisie, reconnaître leur droit d’arranger leur vie comme il leur plaît en acceptant toutes les responsabilités de leurs actions, mettre dans les relations des sexes plus de loyauté, plus d’indulgence, est-ce donc encourager la débauche ? Est-ce détruire la pudeur de la femme ? Non. Qu’une femme connaisse le prix de sa personne, la gravité du don qu’elle fait, qu’elle ait de l’amour et des conséquences de l’amour une idée claire, haute, grave, si cette femme a l’esprit et