Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/244

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l’effroi du mot qui, prononcé, allait changer deux existences !

Mais une force irrésistible fut en eux… La main de l’homme chercha la main de la femme, le front de la femme s’inclina sur la poitrine de l’homme… Josanne se sentit rouler dans le grand torrent de l’instinct, dans le courant de la vie universelle… Elle eut peur, encore… puis, du tourbillon de ses pensées et de ses désirs obscurs, émergea le souvenir lumineux d’un rêve : le jardin fleuri, les violettes, Noël sur le banc, et l’étreinte et le baiser…

— Josanne !

— Non !

— Josanne !… Je le veux !… Regardez-moi !

Le cocher se retourne, à demi :

— Nous y v’là !

— Où donc ?

— À Cernay. Vous voulez-t-y pas voir les cascades ? Y a un sentier, à droite, tout le long de l’eau… Et puis, y a le moulin, et l’auberge à Léopold… Moi, j’irai jusqu’à l’auberge à Léopold…

— Descendons !

— Ce n’est pas très prudent, Josanne… Vous êtes fatiguée…

Elle ne l’écoute pas, elle saute sur la route, pendant qu’il donne ses ordres au cocher. Elle court, elle suit la pente du ravin, parmi les châtaigniers et les chênes, blanche, dans le demi-jour glauque qui baigne les troncs trapus, les rochers gris. La mousse spongieuse, d’un vert velouté, amortit ses pas. Des racines arc-boutées contre le sol retardent sa fuite légère. Elle va, laissant traîner sa jupe, les bras éten-